Le médecin de campaigne
"Té, v'lai not' sirujien,"Tiens, voilà notre médecin Que sen vai dô l'gran maitin.Qui s'en va dans le grand matin. Regade don queman ai trote,Regarde donc comment il trotte, Brâman campai su lai Cocote.Tranquillement monté sur la Cocotte. Ai n'ai gare de maüIl n'a guère de mal De core ançin su son chevaü,De courir ainsi sur son cheval Encor ai s'en irô pu lôgne;Encore s'il s'en allait plus loin Qu'sai besogneQue sa besogne N'a pas bé fote, alé, Tienno?N'est pas bien pénible, hein, l'Etienne? C'ai n'a pa queman noC'est pas comme nous, Que traivaillon lai târe.Qui travaillons la terre Ma lu, quasiman san ran fâre,Mais lui, quasiment sans rien faire Gaingne anco pu d'arjan,Gagne encore plus d'argent En ein jo, qu'no dan ein an."En un jour que nous en un an." V'lai c'que teu lé jan dise,Voilà ce que tous les gens disent, Répétan lai moime bétise.Répétant la même bêtise. Si vo croié que çâ po son piaziSi vous croyez que c'est pour son plaisir Q'ai marche en piaice de dreumi,Qu'il marche à la place de dormir Vo no la baillé bèle,Vous nous la "donnez belle" Vou bé vot' sarvèleOu bien votre cervelle S' démangone ojdeü.Se démantibule aujourd'hui. El a levai d'van le sereü,Il est levé avant le Soleil, Por éprotay teu sé remaidePour préparer tous ses remèdes Aivan d'alay voî lé mailaide;Avant d'aller voir les malades. Et peu le v'lai pati,Et puis le voilà parti Au moin jeuqu'ai meïdi.Au moins jusqu'à midi. Ai reveîn po se botre ai taüle,Il revient pour se mettre à table, Ma l'Diâle s'en maüle...Mais le Diable s'en mêle... Drelin, drelin, drelin...Dring, dring, dring Ma mon Dieu, di l'medecin,Mais, mon Dieu, dit le médecin Qui don peu senay d'lai sote?Qui donc peut sonner de la sorte? An vai cassay mai pote.On va casser ma porte Té, ma çâ vo, Nanon?Tiens, mais c'est vous, Nanon? Ma vo tarbeulez lai mâson!Mais vous bousculez la maison! Vo z'alez frâchay mai campeune.Vous allez casser ma clochette! Contez me c'que vo z'émeune.Dites-moi ce qui vous amène. "Y veîn por eine dan"Je viens pour une dent Qu'me fa maü depeu lontan;Qui me fait mal depuis longtemps Y ai mi dessu poivre, moutadeJ'ai mis du poivre dessus, de la moutarde Et jeuqu'ai d'lai made.Et jusqu'à de la merde. Lai garce m'fa tan seufriLa garce me fait tant souffrir Qu'y n'y peu pu teni.Que je ne peux plus tenir Tâché de m'évoindre c'teu queule,Tâchez de m'extraire cette "souche" Ma ne m'essatez pas lai gueule."Mais ne m'arrachez pas la gueule". Lu, teu t'en mâchan son gaülon,Lui, tout en mâchant sa bouchée, Champe en lai main d'lai Nanon,Jette dans la main de la Nanon, Aipré teute sé simagrée,Après toutes ses simagrées, Lai dan bé airachée.La dent bien arrachée. - Vo marqueré... car y n'ai pa d'arjan.- Vous marquerez... car je n'ai pas d'argent. - Ma, mon Dieu, çai n'a ran,- Mais, mon Dieu, ce n'est rien, Alé, preuve Nanette.Allez, pauvre Nanette. - Merci, môssieu, vo z'éte bé ônète,- Merci, monsieur, vous êtes bien honnête Y vo gaderé deu pouleü.Je vous garderai deux poulets. Ai n'airé ran du teü...Il n'aura rien du tout... V'lai lai réconpanceVoilà la récompense De ce matyre d'lai siance.De ce martyr de la science. Et dan lai neü, seuvan,Et dans la nuit, souvent, El a prin po fâre l'anfanIl est appelé pour faire l'enfant D'lai fanne d'ein ran que vailleDe la femme d'un misérable Que n'ai ni sou ni maille.Qui n'a pas d'argent L'médecin fa d'son mieüLe médecin fait de son mieux Po soulaijay cé malûreü.Pour soulager ces malheureux Po lé pone, ai fau qu'ai s'fouille,Pour la peine, il faut qu'il se fasse une raison Ai n'en retire que dé poûille.Il n'en retire que des "poux" Y l'sai, moi qu'vo l'di,Je le sais, moi qui vous le dit, Y m'en seuveîn, j'en ai pâti.Je m'en souviens, j'en ai souffert. Qu'ai nôje vou quai pieuve ai raije,Qu'il neige ou qu'il pleuve à seaux, Preüve médecin, du coraije!Pauvre médecin, du courage! Marche teujo! Marche teujo!Marche toujours! Marche toujours! Cai s'rai qu'ment çai jeuqu'ai lai mo!Ce sera comme ça jusqu'à la mort! Anco si j'aiveîn l'aivantaijeEncore si nous avions l'avantage D'aivoi du dédomaijeD'avoir du dédommagement D'lai pa du govarnemanDe la part de gouvernement? Ma teu lé z'agrémanMais tous les agréments Son po çeu d'lai ville.Sont pour ceux de la ville. ai n'son pa bé difficille,Ils ne sont pas bien difficiles, An lo craiche su l'esteumâ,On bave dans leur dos C'qui vai bé d'aiveu lô gran chaipiâ.Ce qui va bien avec leur grand chapeau.
Extrait de Contes, fables et légendes en idiome bourguignon du Dr H. Berthaut, par Jean-Luc Carmoi, Fontaine-lès-Dijon.
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